« On a fait Compostelle »
Juillet 2002, nous partîmes en couple du Puy en Velay dans la perspective de réaliser une très belle randonnée sur le GR65 jusqu’à Conques. En août 2006, nous arrivions à Santiago à l’heure de la messe des pèlerins. Comme beaucoup, nous pouvions alors dire « j’ai fait Compostelle ! ».
Très banalement, c’est le chemin qui nous a faits différents et assoiffés. Et sitôt, l’envie de continuer nous a tenus. Mais sûrement pas celle de « refaire un Compostelle ». Malgré l’immense joie à l’arrivée, malgré tous les petits bonheurs du chemin, malgré toutes les rencontres, les amitiés gardées, nous ne souhaitions plus retrouver cette course en avant qui nous avait tant fait souffrir (physiquement et moralement) – la frontale du matin – la course aux gîtes – les sacs déplacés dans « la cola » par des motorisés. Non plus jamais !
Alors, pleins d’énergie, nous avons pensé qu’il fallait « faire un deuxième grand chemin de pèlerinage ». Celui de Canterbury à Rome a occupé toutes nos vacances de salariés de mai 2007 à août 2009. Nous en gardons un souvenir extraordinaire : des rencontres diverses et enrichissantes, des paysages à couper le souffle. Et puis Saint Pierre de Rome ! Cela reste un chemin de grande solitude : nous avons rencontré nos premiers compagnons de route peu avant Sienne.
Mais la fièvre était toujours là et l’énergie aussi. Saint Martin nous a alors fait signe. De Savaria (Hongrie) à Lyon à travers la Slovénie et l’Italie, le chemin s’est construit au fur et à mesure de nos avancées – encore une fois pendant nos congés de salariés. C’est une aventure et nous avons coutume de dire : « A coté, le chemin de Compostelle, c’est les Champs Elysées du pèlerinage ! ».
La retraite est arrivée – plus de quarante années d’une activité très prenante pour chacun de nous. « Bon, essayons de vivre un chemin de renaissance en partant au moins trois mois. Et si nous repartions, quinze ans après, pour Santiago ! Soit – nous partirons de Paimpol (abbaye de Beauport) puis traverserons mon village de naissance puis son village de naissance puis nous emprunterons le Camino del Norte. Nous prendrons tout notre temps – verrons la famille – et il y aura sans doute moins la course sur ce chemin du Nord ». Nous sommes allés à Santiago en 92 jours ! (avec un chariot !)
Puis, un très grave accident de santé a nourri l’inquiétude de ne plus pouvoir marcher au long cours. Aussi, quand le soleil est réapparu dans notre cœur (et que les médecins ont validé ma capacité à reprendre cet exercice) – nous nous sommes dits : « Allons en pèlerinage au Mont Saint Michel par le grand chemin montois comme les adolescents d’autrefois » Et nous y sommes allés en ce beau mois de septembre 2018.
Après bien des kilomètres parcourus à travers l’Europe, nous avons découvert là, tout près de chez nous, un bien beau chemin qui de Tours, par Le Mans, vous mène au Mont. Nous n’avons pas « fait le Mont ». Nous avons savouré des instants très beaux après des mois d’incertitude. Les paysages sont magnifiques – le parcours pas difficile. Les habitants chez qui vous logerez vous accueilleront très chaleureusement – ils vous diront leur isolement dans une campagne en pleine désertification, leurs désespoirs, leurs coups de gueule mais aussi et surtout leurs espérances et leur joie de vivre.
Ainsi, il n’y a pas forcément besoin d’aller très loin pour vivre une expérience formidable – pas besoin de « faire un chemin » mais besoin de « vivre une expérience ».
Claude et Elisabeth– Le Mans Leur site